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Fédération SUD Collectivités Territoriales : Bibliothèques STOP AU « STOP AND GO » ! ou Prends le bouquin et tire-toi…

Bibliothèques STOP AU « STOP AND GO » ! ou Prends le bouquin et tire-toi…

Le Covid-19 et ses variants se sont imposés au monde entier avec une rapidité inouïe.
De manière inédite, ils ont modifié nos rapports sociaux comme jamais nous n’aurions pu l’imaginer.
Cette situation, que nous espérions provisoire, s’installe dans la durée.

Publié le 15 mars 2021

L’improvisation gouvernementale a aggravé la propagation du virus. Les choix politiques actuels, mais aussi de longue date, clairement antisociaux, accélèrent les crises démocratiques, écologiques et économiques sous-jacentes. La loi de sécurité globale n’est que le prolongement de l’état d’urgence sanitaire et de la répression des mouvements sociaux antérieurs.

Cette crise est une aubaine pour le néolibéralisme, les lobbys industriels ou les multinationales, à l’image des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et de leurs affidés.

Mais pour une majorité de citoyen.ne.s, c’est au contraire un facteur aggravant des inégalités. C’est déjà une réalité pour chacun.e : explosion des chiffres du chômage, de la précarité, des pathologies et des troubles psycho-sociaux. Nous ne pouvons que redouter ce qui pourrait advenir dans les prochains mois.

Comme d’autres services publics, les biblio­thèques, en tant qu’établissements culturels de proximité, ont subi de plein fouet les sou­bresauts de l’actualité : confinement, ouverture partielle, reconfinement, couvre-feu...

Malgré tout, les agent.e.s publiques ont su s’adapter pour maintenir un niveau de service exemplaire durant cette période : prêts-à-emporter, portage à domicile, mise en quarantaine, protocoles sanitaires, Plan de Continuité de l’Activité, ouvertures adaptées... Tou.te.s nos collègues se sont mobilisé.e.s pour que nos publics puissent continuer à utiliser nos services, parfois dans des situations acrobatiques.

Mais cette continuité du service, imposée par les mesures gouvernementales, a été négociée au mieux au prix d’échanges serrés avec nos hiérarchies ou tutelles, au pire sans sollicitation des équipes. Il n’est plus acceptable de pour­suivre ainsi : les bibliothécaires ne sont pas les variables d’ajustement de la culture.

L’urgence sanitaire ne doit pas éclipser l’urgence sociale…

La mission sociale des bibliothèques n’est plus à démontrer mais elle ne peut pas prendre le pas sur nos autres missions. Les bibliothèques ne doivent pas devenir l’alibi et le cache-misère des déficits de lieux sociaux, d’accueil et d’accompagnement des publics qui en auraient besoin. Nous ne sommes pas les supplétifs des autres services publics peu à peu démantelés ou supprimés. Or, les bibliothèques sont les seuls lieux publics de culture autorisés à ouvrir durant cette période, dans un silence médiatique absolu et avec le mépris de nos gouvernant.e.s.

Des offres dématérialisées ou personnalisées

La crise met au premier plan nos questionne­ments sur l’offre dématérialisée que nous pro­posons. Mais la volonté d’offrir des services à distance ne doit pas faire basculer notre offre vers le seul "prêt-à-consommer" commercial au détriment de propositions culturelles indé­pendantes.

L’intention, louable au départ, de répondre aux requêtes des usager.e.s doit céder le pas à une réflexion approfondie sur l’offre à déployer, en termes de contenus comme en termes de bud­get.

« Protéger et servir » ?

Depuis le 12 mai 2020, nous nous trouvons face à des injonctions contradictoires : accueillir le public et favoriser de fait le brassage, tout en le protégeant et nous protégeant, sans avoir toujours les moyens ou la vigilance constante. Ces demandes dégradent nos conditions de travail générant une fatigue physique et psychique préjudiciable à la sécurité et à la qualité du service rendu.

Nous n’accepterons pas de faire n’importe quoi !

Nous devons garder une cohérence avec nos missions. L’improvisation constante du gouvernement et de fait la navigation à vue de nos collectivités territoriales sont intolérables : nous devons nous prémunir de décisions ar­bitraires, en défendant nos missions et en posant des garde-fous.

Travail "pas essen­tiel" vs Télétravail

D’une part, nombre de col­lègues, habituel­lement chargé.e.s de ren­seigner, d’accompa­gner le public, et/ou de traiter les docu­ments, se sont retrouvé.e.s, du jour au len­demain, en Autorisation Spéciale d’Absence (ASA), privé.e.s d’activité, sans qu’aucune mis­sion à distance ne leur soit confiée. Beaucoup d’entre nous ont alors partagé un sentiment d’inutilité, de frustration ou de culpabilité, voire ont subi l’abandon de leur hiérarchie. Nous de­vons combattre cette idéologie qui fait passer les ASA pour un privilège alors qu’elles ne sont rien d’autre que le résultat de la situation sanitaire. Et à ce titre, nous n’avons aucune raison de culpa­biliser !

D’autre part, fortement incité par l’Etat, le télé­travail - ou plutôt le travail "collaboratif" à dis­tance - s’est rapidement mis en place pour une partie des agent.e.s lors des confinements, pour maintenir les services qui pouvaient l’être : mises à jour du site et réponses aux usager.e.s, pu­blications sur les réseaux so­ciaux, paramé­trages du SIGB... Mais rapi­dement les missions ont débordé : catalogage, réu­nions en "visio", travail sur la programmation à venir, projets numériques...

Certain.e.s s’y sont sur-investi.e.s par cons­cience professionnelle, par obligation ou pour toute autre raison...

Et au moment du déconfinement, c’est la déconfiture ! Souvent, ce temps de travail à distance a été abusivement catégorisé en ASA, sans générer de RTT.

Et Honte à toutes les collectivités qui se sont empressées de voler de 5 à 10 jours (CA + RTT) aux agent.e.s !

La précarité dans nos bibliothèques

Pour réduire la masse salariale, toutes les collectivités généralisent le recours aux ANT (Agents Non-Titulaires). Les ANT connaissent toutes et tous des situations de précarité, économique et professionnelle : temps partiels souvent imposés ; multiplication de contrats courts durant plusieurs années, salaires versés en retard, entraves à ce que les ANT fassent valoir leurs droits, notamment au chômage...
Les différents projets macronistes - CAP 2022, Loi de "transformation" de la Fonction Pu­blique... - renforcent la situation précaire de ces agent.e.s.

En pleine pandémie de Covid-19, les collectivi­tés auraient dû protéger les agents précaires. Quelques administrations ont assuré une conti­nuité des revenus aux ANT. Mais d’autres ont totalement abandonné ces agent.e.s quand leurs contrats ont pris fin en pleine crise, les privant de rémunération lors du 2ème confinement. Ces choix gestionnaires ont parfois provoqué de véritables drames, ayant conduit jusqu’au suicide.

Il faut aussi parler de nos collègues du secteur privé qui assurent des missions de médiation, de ménage, de sécurité ou toute autre mission externalisée. Les collectivités sont bien peu regardantes sur le respect du droit et des conditions de travail. Elles sous-traitent leurs responsabilités, en laissant se produire des situations intolérables aggravées par la crise sanitaire.

Pour faire face à une précarité galopante, et sans attendre la fin de la crise sanitaire,
il nous faut exiger :

  • Un plan de titularisation massif.
  • L’arrêt du recours aux contrats courts quand les besoins des services sont permanents.
  • Des contrats légaux, communiqués dans les temps.
  • La généralisation du travail à temps complet dans le cadre légal : pas de temps partiel imposé arbitrairement !
  • Des formations et des informations pour les ANT, y compris sur les droits syndicaux et sur la préparation aux concours.
  • Une rémunération et une évolution de carrière équivalentes à celles des agent.e.s titulaires.
  • La « remunicipalisation » des missions exercées par des sous-traitants privés dans nos services publics !

NOS REVENDICATIONS POUR LES BIBLIOTHEQUES DURANT LA CRISE SANITAIRE ET APRES

  • Permettre à chaque bibliothèque d’adapter les recommandations sanitaires et son activité à sa réalité de terrain, de fréquentation et d’usages, en concertation avec les agent.e.s. L’ensemble de l’organisation devra être validé par les instances dans les PCA (Plans de Con­tinuité d´Activité).
  • Utiliser tous les moyens et les outils de la sé­curité et de la santé au travail (Registre Santé Sécurité Travail, CHSCT...).
  • Lutter contre les redéploiements de person­nels qui ne respectent pas le cadre d’emploi : les tutelles ne doivent pas nous utiliser pour pallier leur manque chronique d’effectifs.
  • Sortir de la logique comptable en termes de fréquentation ou de nombre de prêts, pour pri­vilégier la qualité de service et de l’offre propo­sée.
  • Ne pas favoriser à l’excès l’offre numérique au détriment de l’offre physique en biblio­thèque, pour ne pas exclure une partie de nos publics.
  • Affirmer la nécessité d’un service public des bibliothèques social, culturel et de loisir, à des­tination de tous les publics, en libre accès et gratuit.
  • Imposer la réunion des instances représenta­tives en cas de modifications des conditions de travail : les employeurs doivent cesser se ca­cher derrière le décret d’urgence sanitaire.
  • Limiter et encadrer le télétravail, qui doit être soumis à un accord voté au Comité Technique et qui respecte la volonté des agent.e.s.
  • Engager, dans chaque établissement, une discussion concertée sur l’opportunité ou non des accueils de classes ou de groupes et les moyens à mettre en œuvre.
  • La fermeture anticipée liée au couvre-feu doit être complétée en ASA horaire.
  • Les tutelles doivent conti­nuer à fournir le matériel de protection né­cessaire, adéquat et suffisant aux personnels selon le niveau d’alerte sanitaire ou l’évolution réglementaire.
  • Prendre en compte la souffrance psychique des agent.e.s en mettant en place des moyens collectifs suffisants de prise en charge, notam­ment par les services de médecine du Travail.
  • Réduire le temps de travail à 32h (vers 28h) sans perte de rémunération.
  • S’assurer que les droits des agent.e.s les plus précaires (contractuel.le.s, vacataires, étu­diant.e.s...) soient respectés et qu’elles et ils soient payé.e.s, même si les heures ne sont pas effectuées du fait des conditions sani­taires.

Nos autres publications :

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