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Fédération SUD Collectivités Territoriales : Stop armes mutilantes : Macron nous fait la guerre, et sa police aussi !

Stop armes mutilantes : Macron nous fait la guerre, et sa police aussi !

Publié le 1er décembre 2021

« Nous sommes en guerre » a répété inlassablement Emmanuel Macron dans son discours du 16 mars 2020 [1], très inspiré de l’appel du 18 juin de De Gaulle [2]. En relançant l’invocation de l’esprit de résistance contre « l’ennemi », déjà sur-utilisé depuis les attentats terroristes de 2015, ce discours avait surtout comme but de forcer les Français.e.s à se ranger derrière ce « nous » sous peine d’être soupçonné.e.s de dissidence et de s’exposer à diverses formes de répression.

En effet, depuis cette guerre déclarée au virus SARS-Cov2, on a vu se succéder des mesures attentatoires aux libertés (attestations, couvre-feux, passe sanitaire [3], ...) qui ont été adoptées dans le cadre d’un état d’urgence régulièrement prolongé sans réel débat démocratique. Déclarer un pays en guerre permet ainsi d’habituer les citoyen.ne.s à voir leurs libertés rognées, avec comme corollaire l’adoption de mesures d’exception qui peuvent se retrouver banalisées et introduites dans la loi commune [4].

Les ennemi.e.s de l’intérieur

La particularité de ce type de guerre est d’être menée contre des ennemi.e.s « de l’intérieur ». Dès lors, c’est chaque citoyen.ne qui devient suspect.e, et tout mouvement de contestation peut être accusé, à la discrétion des « décideurs », de nuire à la sécurité du pays.

De fait, les « guerres » lancées contre les ennemi.e.s de l’intérieur ne manquent pas :

  • Guerre contre les chômeur.se.s via la réforme qui démolit l’assurance chômage (octobre 2021).
  • Guerre contre "l’islamisme" ressemblant davantage à une guerre menée contre les musulman.ne.s à la lecture de la Loi séparatisme (aôut 2021).
  • Guerre contre les jeunes des quartiers pauvres et les manifestant.e.s : gilets jaunes, migrant.e.s, teuffeur.euses, féministes, écologistes radicaux.ales, via notamment la Loi sécurité globale (mai 2021).

Une guerre contre les « ennemi.e.s de l’intérieur » justifie de surveiller et de contrôler les « suspect.e.s », c’est-à-dire toute la population, et de réprimer la part la moins docile de cette population. En attestent les lois de « renseignement » (juillet 2021 [5]) et « drones 2 » (en cours d’adoption [6] [7]). Une guerre de ce type nécessite la constitution et la formation d’une armée, ici les forces de l’ordre (FDO). En témoigne la visite de Macron à Montpellier pendant laquelle il n’a pas hésité à qualifier d’ "Ecole de guerre" la nouvelle académie de police qui y serait créée [8]. Mais à qui donc la police est-elle censée faire la guerre ?

Cela se traduit aussi concrètement par une évolution des tenues et des équipements des FDO qui ressemblent aujourd’hui à des soldats suréquipés. Elles incarnent des êtres inhumains surpuissants, des « Robocops », face aux civil.e.s que ces FDO croisent et sont censées protéger. Leurs armures virilistes [9] les inciteraient-elles à se défaire de toute humanité ? Cette militarisation de la police [10] contribue notamment à faire régner la peur pour dissuader toute contestation sociale de l’ordre établi et des nouveaux choix politiques.

De fait, et sauf rare exception [11], l’armement des FDO ne cesse d’augmenter [12]. Pour bénéficier de réductions dans les transports publics lors de leurs déplacements privés (que sont en train de perdre les cheminot.e.s), les policier.ère.s sont maintenant tenu.e.s d’avoir sur elles.eux leur arme de service [13]. En parallèle, l’usage des armes policières mutilantes, faussement présentées comme « non-létales », s’étend. C’est au tour des surveillant.e.s des prisons de Lyon de disposer de LBD fin 2020 [14], et de certaines polices municipales comme à Angers depuis novembre [15].

Pas de guerre sans armes...

L’industrie de l’armement est, on le sait, l’un des fleurons français. Toutes les catégories d’armement sont concernées : des sous-marins aux lanceurs de balles de défense. Tandis que les ventes d’armes meurtrières à d’autres pays en conflit sont régulièrement contestées, l’exportation des armes dites « non-létales » est moins connue. La carte et le dossier établis par Maxime Reynié donnent à voir cette influence française qui s’étend notamment en Afrique et au Moyen-Orient [16].

La France peut d’ailleurs se targuer d’héberger deux des congrès mondiaux les plus prestigieux dans le domaine : Eurosatory et Milipol. Ce dernier, consacré à la « sureté et sécurité », s’est tenu du 19 au 22 octobre à Villepinte (93). En 2019, il avait accueilli 1089 exposants et 167 délégations, avec 26 stands commercialisant des armes dites « à létalité réduite » [17]. Un vrai succès. Parmi les « nouveautés » de 2021, StreetPress mentionne une arme « non-létale » Byrma max, d’origine sud-africaine, envoyant des balles chargées d’un mélange de poivre et de gaz lacrymogène [18] [19]. Grâce à l’impact cinétique et à l’effet irritant du mélange, la victime peut alors être immobilisée pendant une quinzaine de minutes. Bientôt dans les rues ?

Les armes policières mutilantes contribuent à la dynamique de militarisation des polices nationales et municipales. Contrairement aux discours des autorités et constructeurs, les armes mutilantes ne diminuent pas l’usage des armes à feux [20]. Au contraire, leur usage décomplexe les tirs par armes létales. Par ailleurs, que ce soit en zone rurale (ZAD, Bure, …), en centre-ville, dans les quartiers périphériques, y compris lors de veillées funéraires [21], l’utilisation régulière des armes mutilantes par la police provoque des scènes de guerre : nuages de gaz lacrymogènes (grenades), tirs tendus de balles de défense, tirs et explosions des grenades de désencerclement (à l’utilisation massivement non-réglementaire [22]), donnant lieu à des mort.e.s et à des mutilé.e.s.

... et pas d’armes sans victimes

Car évidemment, tout ce développement guerrier serait une farce grotesque et coûteuse d’un nouvel Ubu roi s’il n’y avait pas des conséquences concrètes, des victimes en chair et en os. Inévitablement, la guerre et ses armes produisent des victimes, des gueules cassé.e.s, des vies brisées. Malgré les polémiques et les postures intenables qui visent à nier ces victimes et les violences policières, l’action de la police tue et la tendance n’est pas à la baisse [23]. Elle mutile aussi, marquant à vie les victimes [24] et traumatisant les témoins de ces violences, qu’ils.elles en soient conscient.e.s ou non.

Le mois de novembre a ainsi commencé avec un jeune de 14 ans, défiguré par un tir de LBD en réplique à des tirs de feux d’artifices à Argenteuil [25]. Aussi, l’intervention policière brutale, avec tirs de grenades et de LBD, lors de la free-party de Redon (35) les 18-19 juin derniers a provoqué de nombreuses blessures dont une main arrachée [26] [27]. Pire, les FDO n’ont pas permis que les secours interviennent et le mutilé a été amené aux urgences par des particuliers [28]. Refus de porter secours d’autant plus cynique que cette fête était un hommage à Steve Maia Caniço, mort par noyade lors d’une autre intervention policière à la fête de la musique de Nantes en juin 2019, et dont les responsables commencent à peine à être jugé.e.s [29].

Car c’est là un autre aspect de la guerre : la justice semble faire exception quand il s’agit de juger les « soldats de l’ordre » sur le terrain ou leurs supérieur.e.s hiérarchiques. C’est ainsi qu’aucune sanction administrative n’est demandée pour le CRS responsable du tir de grenade lacrymogène ayant tué Zined Redouane le 2 décembre 2018 [30] [31], malgré la reconstitution experte des faits [32]. Ou encore, que la famille de Rémi Fraisse, écologiste tué en 2014 par une grenade offensive, n’a toujours pas obtenu un procès [33].

Pour mettre fin à ce regain guerrier voulu par le pouvoir en place, pour que la liste des gueules cassées et des mort.e.s cesse de s’allonger, pour défendre nos libertés de circuler et de manifester, l’interdiction des armes policières mutilantes est et demeure une étape indispensable.

Campagne StopArmesMutilantes.org, 22 novembre 2021


Voir en ligne : Présentation de la campagne « Interdisons les armes policières mutilantes »


[4Arié Halimi, "Le coup d’état d’urgence. Surveillance, répression et libertés", éd. Seuil, 2021.

[10Pierre Douillard-Lefèvre, « Trouver des brèches dans l’édificie répressif », entrevue dans CQFD, novembre 2021.

[11Dans le contexte actuel, on peut signaler la décision du maire communiste Pierre Garzon (Villejuif, 94) qui supprime les LBD et tasers de la police municipale (mais celle-ci garde l’usage des armes à feu). Voir : https://www.ouest-france.fr/ile-de-france/villejuif-94800/police-municipale-le-maire-pcf-de-villejuif-retire-le-lbd-le-taser-et-la-brigade-canine-58a4000a-b650-11eb-9d0b-d31a5f1d6514

[20Paul Rocher, « Gazer, mutiler, soumettre », éd. La Fabrique, 2020.

[23Voir l’étude réalisée par Basta sur la période 1977-2020 : https://bastamag.net/webdocs/police/

[24De nombreux témoignages sont disponibles. Voir par exemple le livre de Sophie Divry, « Cinq mains coupées », éd. Seuil, 2020.